Juliette Agnel est née en 1973, et cette exposition personnelle présente près de vingt années de travail. Il va sans dire que nous pouvons parler d’une rétrospective, tant les spectateur.rices peuvent voir s’y déployer l’affirmation d’un geste photographique, côtoyant en permanence l’installation, le film, la durée, et le mouvement de l’image.
Intitulé Les Nuits, l’accrochage convie à une exploration de fabuleux espaces ouverts sur l’inconnu. Car, au-delà d’une présentation chronologique, il s’agit plutôt d’une plongée sensible dans l’obscurité, et d’un voyage vers l’intériorité du visible. Les étoiles, la voie lactée, l’ouverture immense du ciel nocturne nous accueillent pour mieux pénétrer dans les profondeurs émotionnelles du paysage ; avant que des présences et des silhouettes ne fassent leur apparition, conférant à la démarche une forte dimension humaine. Ici, les catégories mêmes du paysage et du portrait — charriant avec elles toute l’histoire de la peinture — sont travaillées à bras le corps : le paysage devient illimité, les visages nous renvoient leur aura, les routes nous appellent dans leur sillon.
De l’Afrique à la Corée, de l’Islande au Groenland et à la Norvège, de l’Espagne au Maroc, et jusqu’à la Bretagne française, c’est encore toute une géographie, dense et pleine de forces telluriques, qui est parcourue. Cette ouverture territoriale permet l’expérimentation de multiples techniques, comme la camera obscura numérique que Juliette Agnel met au point en 2010, mais aussi le film Super 8, la chambre photographique, le Polaroïd, et les technologies numériques contemporaines.
Il faut se laisser porter, laisser les forces naturelles attiser les sens, pour comprendre que ce qui fonde tout le travail de l’artiste relève bien d’un désir d’entrer dans la matière première de l’image, du chaos primordial au cosmos infini. C’est de cette façon qu’il faudra donc voyager jusqu’au bout avec elle, afin de prendre dans nos mains des pierres ou des plantes millénaires, et remonter finalement le fil de nos origines.
Léa Bismuth
Source : Centre d’Art Campredon
CAMPREDON centre d’art
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