L’Univers de Blade Runner, du rapport de l’Homme à l’IA.
Trente années se sont écoulées entre les événements du premier film (novembre 2019) et Blade Runner 2049. La Tyrell Corporation n’existe plus et c’est le conglomérat Wallace qui a pris le relais dans la gestion des (juteuses) colonies de l’espace. Les Réplicants (humanoïdes) sont toujours utilisés pour les tâches subalternes (force, endurance et résistance exceptionnelle) ou comme « objets » de plaisir (prostitution). Cependant, la Wallace Corp. doit faire face à une demande croissante de serviteurs androïdes. Or, son créateur (Neander Wallace, Jared Leto) n’arrive pas à passer à l’étape supérieure qui pourrait accroître son empire financier : la reproduction des Nexus ! Sur le plan du maintien de l’ordre, travaillant pour LAPD (Los Angeles Police Department), L’agent KDC – 3:7 (Ryan Gosling), est chargé de terminer les Nexus 8 rebelles et déserteurs. Deckard (Harrison Ford), le « faucheur » de 2019, demeure toujours introuvable…
Pas moins de sept versions de Blade Runner !
C’est ainsi que démarre le dernier film de Denis Villeneuve (Prisoners / Enemy / Sicario / Premier Contact) avec la lourde mission d’étendre l’univers du chef-d’oeuvre de Ridley Scott de 1982. Le métrage au sept versions (Version Internationale en salles; Director’s Cut; Final Cut) possède deux fins antithétiques qui place le film dans la catégorie « Happy End » pour la version salles de 1982 à la catégorie film noir dans sa mouture de 1992. Voir la Director’s Cut de Blade Runner c’est comprendre tous les enjeux de l’humanisation des Nexus au contact des humains. C’est apprécier les craintes de ces derniers face à une intelligence artificielle qui s’émancipe. Comment réagirions-nous si nos « serviteurs » humanoïdes se mettaient soudainement à ressentir, à se penser, à aimer ? La version manichéenne de 1982 peut ainsi être oubliée corps et bien !
Car lorsque la créature démontre des capacités égales ou supérieures à celles de son créateur celui-ci voit dans cette évolution un danger pour sa propre espèce. Peut-il accepter de voir sa progéniture devenir autonome et désirer s’émanciper pour s’épanouir par elle-même ? L’Homme est-il à ce point matérialiste et si préoccupé par l’argent, d’une part (ici, les bénéfices engendrés par les humanoïdes), et son hégémonie d’autre part, que malgré ses grands discours d’ouverture il prouve par ses actes qu’il demeure une créature craintive et faible ?
Denis Villeneuve, réalisateur incontournable ?
C’est donc avec beaucoup d’attente que je me suis confortablement installé dans une salle de cinéma presque vide, en début d’après-midi, pour voir Blade Runner 2049.
J’aime beaucoup la réalisation de Villeneuve. Là où d’autres réalisateurs pourraient s’enliser dans des scènes lentes, lui, sait comment installer un ambiance pesante qui vous prend et ne vous lâche plus jusqu’à la fin du film. Blade Runner 2049 dure 2h43 mais si vous prenez le temps de vous plonger dans cet univers de science-fiction vous apprécierez longtemps après votre séance le travail du cinéaste Canadien. Baigné par une lumière grise et orangée, le métrage donne une vision d’un futur très assombrie et faisant face à de gros problèmes de pollutions et de traitement des déchets. L’utilisation de contre-jours savamment distillés jusque dans les combats au corps à corps achève le tableau et ne donne vraiment pas envie d’aller vers un monde de ce type pour nos descendants. J’ai été subjugué par les plans de la ville de Las Végas irradiée, baignant dans une lumière ocre et métallique. Cette scène est également mise en valeur grâce aux percutions sur un tempo très lent comme un battement de cœur à l’agonie signifiant le crépuscule de la cité mondiale du jeu et des loisirs.
Les personnages de Blade Runner 2049
La réussite du film doit aussi beaucoup aux acteurs qui jouent justes. Ryan Gosling donne à son « blade runner » une personnalité froide tout en retenue dans le premier acte. Nous savons d’emblée qu’il est un « skinner », un humanoïde qui est payé « pour éradiquer ses semblables » comme le soulignera un des personnages. Les cinéphiles trouveront des similitudes avec l’excellent Angel Heart dans la façon dont « K » mène son enquête …Sans états d’âmes, il applique froidement les directives de sa supérieure hiérarchique le lieutenant Joshi (« Madame »). Le personnage est incarné par Robin Wright qui fait une incursion dans le futur entre deux films du DC Comics Universe (Wonder Woman & Justice League) où elle incarne le Général « Antiope », formatrice des Amazones.
Ana de Armas (Joi), dépourvue de corps, joue un système d’exploitation sophistiqué qui simule la compagne « idéale » du point de vue de Wallace Corp. : belle, policée, toujours de bonne humeur et prête pour accueillir le travailleur épuisé après une journée de labeur. Réduire l’intelligence artificielle à un rôle de « bonne à tout faire » sonne comme une injure à l’évolution des nouvelles technologies. Raison de plus pour ne pas aimer cette vision du futur proposée par Blade Runner 2049 😉 .
J’ai beaucoup aimé le rôle donné à Sylvia Hoeks (Luv) qui incarne un sbire de Wallace Corps. droite dans ses bottes et elle aussi animée par une froideur d’exécution fascinante. On peut regretter le personnage interpréter par la chanteuse et comédienne Mackenzie Davis (Mariette) qui manque d’épaisseur au niveau de l’écriture même si son rôle reste essentiel.
Terminons par le personnage de Neander Wallace joué par Jared Leto ! Le type même du magnat industriel intrinsèquement lié à son industrie corps et âme. Dépourvu d’humanité, il se voit comme un dieu ayant droit de vie et de mort sur ses créations. La lie de l’humanité façon maître du Monde.
Je vous invite donc à courir voir ce film pour mesurer toute la puissance de l’univers qu’il consolide en terme de relation Homme-Machine et des questions qu’il soulève quant à notre rapport à notre propre condition face à l’intelligence artificielle.
Bon film à toutes et à tous !
… entre temps nous avons retrouvé Deckard !!!
10h45 ce matin pour moi 😉 Mais avant, j’ai maté la final cut hier soir (la vraie director’s cut, car Scott n’a pas trop participé à la director’s cut) et c’est top de retrouver les éléments du film. Ton pitch est bizarre ceci dit, le coup de la reproduction des androïdes ne venant pas de suite, Jared Leto venant vraiment tard aussi. D’ailleurs je n’ai pas trop compris l’intérêt de Jared Leto, à part remettre un magnat industriel comme l’était Tyrell, créateur de Nexus, Luv étant 10x plus intéressante, j’ai juste été déçu par sa fin un peu pitoyable. J’ai… Lire la suite »
Bonjour Gilles, Je suis d’accord avec toi sur Leto. Son perso est un peu trop perché ! Il se prend pour Dieu le Père et Tyrell était plus intéressant car moins présent et plus mystérieux. Ceci dit il est plus violent que Tyrell ce qui le rend efficace du point de vue la cruauté. Blackout 2022 : ça se fait de plus en plus de sortir des courts sur les films. Alien Covenant avait le sien tout comme Gravity. Sortes de bonus pour support numérique. parfois ils peuvent se révéler complémentaires comme ici sur « la grande panne » et la perte… Lire la suite »